C'est quoi l'authenticité ?

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C’est quoi l’authenticité ?Une rencontre authentique, un amour authentique, un paysage authentique, un peuple authentique, toutes ses expressions nous font échos. En tant qu’individu, l’authenticité est une notion que nous recherchons. Elle est gage de profondeur, de justesse et de sincérité. Mais à quoi correspond finalement ce mot ? Qu’est-ce qui fait qu’une chose est plus authentique qu’une autre ? Dans une perspective interculturelle lorsqu’on pose la question, l’authenticité semble être l’exclusivité des sociétés du passé ou celles du lointain. Nos sociétés occidentales et leur mode de vie désenchantée ne semblent plus pouvoir répondre à notre besoin d’une authenticité qui rassure et qui donne des repères. Pourtant, ce mot apparait très souvent dans les discours médiatiques, politiques ou commerciaux.  

Il convient donc de le définir et d’en saisir les différents sens. Beaucoup de travaux ont déjà été effectués pour expliquer la notion d’authenticité. Nous synthétiserons donc ici trois différentes perspectives pour mieux comprendre ce terme.

On peut distinguer trois approches de l’authenticité : l’authenticité objective, l’authenticité symbolique et l’authenticité existentielle .

L'authenticité objective

L’authenticité objective est d’après Dean MacCannell, une expertise basée sur une grille d’analyse considérée comme légitime et donc comme un point de vue objectif. Autrement dit, cette analyse se fonde sur une vision très binaire : une chose est authentique ou ne l’est pas. On va parler ici de « réel ». On fait une différence entre l’être et le paraître. De façon concrète, on va par exemple qualifier un paysage naturel d’authentique, car il sera porteur d’une authenticité réelle. Par contre, il semble évident que pour ce faire, il ne devra en aucune mesure avoir été altéré par l’humain.

Un paysage peut donc être authentique, mais quand est-il des individus ? D’après MacCannell, le critère pour apprécier le degré d’authenticité d’une population serait de se baser sur le progrès technique : « Les modernes pensent la réalité et l’authenticité comme étant ailleurs, dans d’autres périodes historiques et dans d’autres styles de vie plus purs et plus simples »[1]. Il explique que cette logique est notamment suivie par les touristes et les voyageurs. Cette attente va notamment pousser la population, pour des raisons économiques évidentes, à se mettre en scène pour amplifier un aspect « primitif ». De ce fait, leur altérité sera d’autant plus exacerbée. MacCanell oppose à cette authenticité objective, une authenticité mise en scène. En effet pour lui, le touriste qui n’a qu’une connaissance très superficielle de la culture qu’il visite va facilement se laisser leurrer. Il ne se rendra pas compte d’une potentielle mise en scène. Le touriste ou le voyageur ne saura pas faire la distinction entre le vrai et le faux.

Notons cependant que les touristes vont parfois se satisfaire de la mise en scène plutôt que de la culture authentique. Certaines fois, l’image et l’imitation bien conçues sont beaucoup plus convaincantes et performantes que l’authentique. Les grottes de Lascaux 2, 3 et 4 en sont un bon exemple. Ces grottes sont des reproductions exactes des grottes originales interdites au public. Les visiteurs savent qu’il ne s’agit pas de peintures préhistoriques, néanmoins les agencements et le soin apporté à ces attractions en font des lieux crédibles et agréables à visiter.

Le touriste ou le voyageur ne saura pas faire la distinction entre le vrai et le faux

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L’authenticité symbolique

Nous l’avons vu, l’authenticité relève de la perception de celui qui regarde. L’authenticité symbolique s’inscrit dans cette logique.

Cette théorie constructiviste assume la subjectivité de l’authenticité. Pour Yvettes Reisinger et Carol Steiner, ce concept serait une interprétation sociale qui dépend des croyances des individus[2]. D’après John Urry qui étudie la notion d’authenticité dans le secteur touristique : « Le regard touristique est construit à travers des signes, et le tourisme implique la collection des signes »[3]. Ce qui est intéressant, c’est que le voyageur qui va à l’étranger va finalement consommer des symboles et en même temps en produire. Ces codes vont par exemple correspondre à des stéréotypes ou des préjugés. En tout cas, ils seront des images que le touriste va attendre quand il arrivera dans une culture et qu’il va projeter par son regard.

Urry va même jusqu’à dire qu’il n’y a pas de paysage touristique en dehors du regard touristique. Par conséquent, une destination touristique existe seulement au travers du regard touristique. En effet les voyageurs ne vont-ils pas à Hawaï parce qu’ils ont l’image de femmes en Lei offrant des colliers de fleurs ? Le Pérou n’attire-t-il pas à cause de ses lamas et de ses bergers à flûtes de Pan ? Les touristes iraient-ils encore au Vietnam si on leur disait qu’ils ne peuvent plus voir de vieille dame à chapeau conique qui vend des mangues au marché flottant ? La culture locale ou ce que les voyageurs croient être la culture locale et ses habitants « sont à la fois un but et un décor de vacances, un objet désiré et partiellement consommé par des visiteurs extérieurs, modelé, mise en scène […] »[4].

Selon Frank Salamone : « L’authenticité est contextuellement déterminée »[5]. C’est donc une notion fluide. Dans cette perspective, l’authenticité est une création collective. L’individu ne va pas pouvoir la juger. Sa posture est passive. La perception est finalement ancrée dans le souvenir collectif d’hier ou encore de la culture populaire d’aujourd’hui.

L’authenticité relève de la perception de celui qui regarde

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L’authenticité existentielle

Notre dernier point est tout autre. L’authenticité existentielle s’inscrit dans une démarche beaucoup plus individualiste et postmoderniste.

D’après Ning Wang, la recherche de cette authenticité serait liée à notre façon de vivre[6]. Nos voyages auraient pour but de trouver le « Moi » à travers des expériences authentiques. Nous nous trouvons ici dans une logique nietzschéenne, l’humain a trop longtemps subi des idéaux absolus et généralistes, il est temps maintenant qu’il pense par lui-même. L’individu est à la recherche de son « Moi » véritable et plus dans une recherche de conformiste envers une norme. Évidemment, on peut remettre en question cette perspective dans la mesure où ce « Moi » véritable ne peut s’émanciper totalement de sa socialisation et de son conditionnement sociétal. De plus, on aurait du mal à imaginer des individus qui rejettent tout conformisme à la norme sans une certaine déconstruction et sans avoir conscience que ce choix amène à un degré de marginalisation évident.

En tout cas, ce type d’authenticité s’effectue par intuition, car il vient conforter une quête de sens et d’identité individuelle. Pour MacCannell, cela va dans le sens de notre analyse postmoderniste, l’individu serait à la recherche d’expérience authentique parce que sa vie est aliénante dans le monde moderne. En d’autres termes, l’individu voyage afin de découvrir de nouveaux lieux plus authentiques que ceux où il évolue au quotidien.

L’individu est à la recherche de son « Moi » véritable et plus dans une recherche de conformiste envers une norme.

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[1] Dean MacCannell, The Tourist: a new theory of the leisure class, New York, Schocken Books, 1987, p. 16

[2] Yvette Reisinger et Carol J. Steiner, « Reconceptualizing object authenticity », Annals of Tourism Research, janvier 2006, vol. 33, no 1, p. 65‑86.

[3] John Urry et Jonas Larsen, The Tourist gaze 3.0, 3rd ed., Los Angeles ; London, SAGE, 2011, p. 101.

[4] Melchisedek Chétima, « Par ici l’authenticité ! : Tourisme et mise en scène du patrimoine culturel dans les monts Mandara du Cameroun », Téoros, 4 septembre 2012, vol. 30, no 1, p. 49.

[5] Frank A. Salamone, « Authenticity in tourism », Annals of Tourism Research, janvier 1997, vol. 24, no 2, p. 305‑321

[6] Ning Wang, « Rethinking authenticity in tourism experience », Annals of Tourism Research, avril 1999, vol. 26, no 2, p. 349‑370.

Par Manon BINET, le 07/09/2022