Formation interculturelle et travail social
Formation interculturelle et travail social, par Manon BINET, le 21/10/2022 et édité le 06/03/23
Le travail social regroupe un ensemble de métiers et de professionnels dans lesquels la rencontre avec les autres et par conséquent la diversité et l’altérité est centrale. D’après le Code de l’action sociale et des familles :
« Le travail social vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté. Dans un but d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de participation des personnes, le travail social contribue à promouvoir, par des approches individuelles et collectives, le changement social, le développement social et la cohésion de la société. Il participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement » [1].
Interculturalité et travail social : deux notions indissociables
L’intégration, un objectif du travail social ? Nos formations interculturelles souhaitent vous en donner les moyens. Les travailleurs et travailleuses du social ont cette particularité d’évoluer dans des situations professionnelles dans lesquelles des personnes issues de différentes cultures vont interagir. Que ce soit dans l’accompagnement et la prise en charge de divers publics ou au sein même des structures d’accueil, l’action sociale se fait dans un environnement multiculturel. Le secteur social va proposer ou intervenir dans des espaces dans lesquels la rencontre entre cultures est inéluctable.
Pour les primo-arrivants qu’ils/elles soient mineur.es non accompagnés (MNA), demandeurs/demandeuses d’asile ou migrants/migrantes le choc culturel est partout. Comment expliquer l’administration française ? Le marché du travail ? Le fonctionnement de nos transports en commun ? Comment faire en sorte que dans un accueil de jour ou de nuit plusieurs nationalités différentes se comprennent pour manger, dormir, se laver… alors qu’il y a des décalages culturels ?
De plus, relevons que la diversité culturelle, et donc l’interculturalité, ne se cantonne pas à l’arrivée des primo-arrivants. La question de l’immigration est une chose, celle de l’intégration en est une plus vaste. L’intervention sociale c’est d’abord un pas de côté, un changement de regard, un déplacement des représentations. C’est travailler avec des personnes et des familles culturellement riches et mixtes, qui sont françaises, mais qu’on renvoie systématiquement à une émigration qui ne les concerne plus directement. L’objectif de formations interculturelles auprès des professionnels dans le secteur social est donc aussi de transmettre des pratiques et des outils pour identifier les stéréotypes et les préjugés afin de lutter contre les stigmatisations, les discriminations et l’exclusion. Apprendre la gestion de l’interculturalité dans le cadre du travail social c’est permettre l’application et l’accès au droit commun pour toutes et tous.
La compétence culturelle ne se pense pas uniquement à un niveau géographique. L’identité de l’individu se compose de multiples appartenances. Par exemple, je ne suis pas seulement Française ou Japonais. Je me définis également par ma culture de genre, ma culture régionale, ma culture de classe, ma culture politique, ma culture générationnelle, etc. L’intelligence interculturelle dans le travail social c’est prendre en compte tous ces différents niveaux de compréhension. Pour illustrer cette idée, prenons une étude du sociologue Sicot François [3] qui montre bien que dans un IME plusieurs milieux sociaux sont présents. Le travail de l’interculturalité dans ce cas-ci serait également de se demander comment gérer les différences d’attitudes, de représentations, de façons de vivre liées aux diverses appartenances sociales des enfants et adolescents .
De plus, comme l’explique l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, dans son essai Les identités meurtrières : « L’identité d’une personne n’est pas une juxtaposition d’appartenances autonomes, ce n’est pas un « patchwork »», mais quelque chose de beaucoup plus complexe et entremêlé [2]. On pourrait parler de « transculturalité », dans le sens où ce mélange « transcende » et/ou « transforme » nos identités culturelles.
Comment expliquer l’administration française à un demandeur d’asile ?
Les étapes de l'intelligence interculturelle pour les professionnels
Les conflits ou les malentendus liés à la culture peuvent être nombreux. Il ne faut pas non plus oublier que le travailleur et la travailleuse du social ne sont pas des pages blanches. Ces professionnels possèdent aussi des lunettes culturelles à travers lesquelles ils et elles voient la réalité. Dans nos formations interculturelles, il est essentiel, dans un premier temps, d’identifier pour soi-même ce qui relève de la culture, du psychologique, du social et du l’universel dans ses propres manières d’agir et de percevoir. Qui plus est, ces différentes dimensions peuvent mutuellement s’influencer, ce qui rend l’exercice plus ardu.
Bien entendu, l’interculturalité n’est pas une recette de cuisine. Il ne suffit pas de connaitre les règles de politesse de l’Afghanistan ou de la Guinée pour éviter de faire des faux pas. Les professionnels le savent. L’intelligence interculturelle passe par le fait de d’abord se regarder dans un miroir pour mieux comprendre de quelle façon l’individu est en partie construit par sa culture. Ensuite seulement il est possible d’explorer les particularités culturelles de groupes spécifiques pour savoir comment des éléments comme le rapport au temps, à l’espace, à la hiérarchie, à la communication, aux émotions … peuvent se distinguer d’une culture à une autre.
Il ne suffit pas de connaitre les règles de politesse à table de l’Afghanistan ou de la Guinée pour éviter de faire des faux pas
Le travail social : croiser sociologie et interculturalité
La formation interculturelle des professionnels du médico-social passe également par une identification et une compréhension des thématiques spécifiques à l’accompagnement et la prise en charge des usagers. Des sujets comme la parentalité (famille, éducation, autorité, etc.), la conception de la relation d’aide, la compréhension des parcours migratoires, la prise en charge des personnes issues de la migration, le rapport au corps, la gestion des questions sanitaires, sont source d’interrogations parce qu’il peut y avoir des différences dans les valeurs et les normes. Ces questions ne peuvent pas rester des impensées.
Évidemment, la loi française va édicter des droits et des devoirs qui vont servir de cadre de référence. Néanmoins, on ne peut se limiter à la loi quand il s’agit de communication et d’interaction interculturelles dans une perspective d’intégration et de lutte contre l’exclusion. En effet, d’un point de vue sociologique, les règles juridiques ne sont que les normes explicites de la société. Elles ne révèlent pas les règles de vie et les principes collectifs implicites que l’on apprend au cours de notre socialisation.
Les normes et les valeurs ne sont pas universelles. En tout cas, leur définition et leur expression ne le sont certainement pas. Si vous en doutez, allez demander à un Vietnamien ou une Béninoise ce que veut dire dans leur culture « le respect des anciens ». Vous constaterez que séparer les « anciens » des familles comme il est très banal de le faire en France (par exemple par l’EHPAD) n’est pas coutume au Vietnam ou au Bénin. Pourtant, en France, le « respect des anciens » est une valeur qui existe également.
Encore une fois, il serait trop réducteur de penser ici la dimension culturelle seulement au travers de la géographie. Ces décalages de normes peuvent par exemple aussi s’effectuer par rapport à la culture de genre ou de classe (appelé la socialisation différenciée). Interculturalité et sociologie se croisent immanquablement dans l’action sociale.
Une identification et une compréhension des thématiques spécifiques à l’accompagnement des usagers.
La médiation interculturelle dans le travail social
Soit. Mais finalement qu’est ce qu’on peut faire dans une situation concrète en milieu professionnel ? Que faire en tant qu’éducatrice jeunes enfants, par exemple, quand mes normes et mes valeurs sur la parentalité rentrent en conflit avec celles d’une famille d’un enfant qui fréquente ma structure ?
Pour commencer, disqualifions d’emblée l’idéologie du « choc des cultures ». D’abord, parce qu’elle choisit d’adopter l’angle de la séparation et de la divergence, ce qui constitue un non-sens lorsque l’intention est de rassembler (surtout dans l’accompagnement social). Ensuite, parce que ce concept théorisé par Samuel Huntington a largement été déconstruit et invalidé dans les sphères universitaires et scientifiques. On le trouve d’ailleurs essentiellement dans les discours d’opinion (dans la presse, chez les politiques et les polémistes). Ce texte propose une grille de lecture de la réalité et du culturel dans laquelle l’Autre et son monde sont extérieurs et donc condamnés à être dans une position « confrontationnelle »[4]. Cela a pour conséquence un repli sur soi et finalement complique la communication et la compréhension entre les cultures. Le but d’une formation interculturelle n’est pas de considérer la différence comme une chose opposée à soi , bien au contraire.
Entre les cultures, il y a de nombreux chevauchements qui offrent un vivre ensemble basé sur des échanges féconds. Dans les pratiques professionnelles des travailleurs et travailleuses du médico-social, il semble pertinent de se défaire d’un axe unique de lecture, aussi pour ne pas enfermer les usagers et usagères dans des stéréotypes. Évidemment, beaucoup d’attention doit être donnée à la reconnaissance et à la considération, mais une approche interculturelle dans le travail social permet de ne pas s’arrêter à ce stade, finalement assez limitant. Nos formations interculturelles vont transmettre les outils et les pratiques pour faciliter la médiation qui s’opère à plusieurs niveaux et qui se basera sur l’échange plutôt que la confrontation.
Que faire en tant qu’EJE, quand mes normes et mes valeurs sur la parentalité rentrent en conflit avec celles d’une famille ?
Comment développer une formation interculturelle au sein de son établissement ?
Pour une meilleure prise en charge de vos publics, vous pouvez faire appel à ARC. Accompagnement dans la Rencontre Culturelle. Nous nous déplaçons dans votre structure sociale pour nous ajuster à vos besoins sur les questions culturelles. Nous proposons une formation de base pour les professionnels qui peut s’enrichir à votre demande de thématiques plus précises afin de répondre aux situations que vous rencontrez. Nous pouvons également proposer des interventions adaptées qui s’adressent directement à vos usagers.
L’idée d’une formation interculturelle vous intéresse ? N’hésitez surtout pas à nous contacter si vous avez la moindre interrogation ou une envie de renseignements. Nous nous tenons à votre disposition et nous vous répondrons dans les plus brefs délais.
[1] Legifrance. Publications officielles. Décret n° 2017-877 du 6 mai 2017 relatif à la définition du travail social. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034633906#:~:text=%C2%AB%20Art.,%C3%A0%20exercer%20une%20pleine%20citoyennet%C3%A9.
[consulté le 19.10.22]
[2] Maalouf Amin, Les identités meurtrières, Paris, B. Grasset, 1998. p.35
[3] Sicot François, « Intégration scolaire : le handicap socioculturel a-t-il disparu ? », Revue française des affaires sociales, 2005, nᵒ 2, p. 273‑293.
[4] Raja Choueiri, « Le « choc culturel » et le « choc des cultures » », Géographie et cultures, 10 décembre 2008, no 68, p. 5‑20.