C’est quoi un stéréotype ?
Facebook Twitter Linkedin Instagram C’est quoi un stéréotype ? C’est quoi un stéréotype ? Question difficile. Parfois, on le confond avec ses cousins le préjugé, le cliché, l’idée reçue, le stigmate ou le mythe. Souvent le stéréotype a mauvaise presse, il faudrait s’en débarrasser. En effet, parce qu’il va catégoriser les individus on le trouve dangereux. On lui reproche notamment d’enfermer dans des imaginaires réducteurs, de mener à la marginalisation, voire même au racisme. Par cet article, nous voulons rendre compte de théories des sciences sociales qui montrent la construction des représentations et leurs ancrage social. Nous souhaitons mettre à jour ce phénomène social comme illusion, mais aussi comme une façon d’organiser le monde. Une réprensentation sociale Les représentations sociales sont nées du concept sociologique de représentations collectives énoncé par Durkheim. Ce concept a été particulièrement nourri des travaux de Serge Moscovici. Leur étude se fait spécifiquement en psychologie sociale. Hans-Jürgen Lüsebrink parle de « Fremdwahrnehmung » qui pourrait se traduire par « perception de l’étrange », mais il serait plus juste de dire « considération de la réalité de l’étranger ». Les représentations sociales sont des procédés descriptifs et réductivistes comme façon d’approcher le monde parcouru ainsi qu’un outil de compréhension culturel. Ils sont à la fois au niveau de la perception directe et sensible et de l’imaginaire. Elles construisent des images collectives de l’individu pour lui-même ainsi que pour son environnement et par conséquent des autres individus. Elles permettent de traiter l’information sociale (c’est-à-dire : la sélection, l’encodage, la mémorisation[1]) en établissant des indicateurs, des catégorisations et une organisation du monde dans des situations d’interactions, de communications et de représentations. Dans le monde social, il est admis par plusieurs expérimentations (notamment par celles de Henri Tajfel), « l’existence de processus spécifiques à l’œuvre dans les relations intergroupes autant que dans le mode d’appréhension individuel de la réalité physique ou sociale »[2]. On peut dès lors parler de phénomènes de « catégorisations sociales » afin de simplifier l’environnement des individus : « La catégorisation est définie comme une tendance à la schématisation »[3]. « perception de l’étrange » Dédiaboliser le stéréotype Les stéréotypes sont d’après les théories de l’auteur allemand Hans-Jürgen Lüsebrink : une forme de perception collective de l’étranger. Ils résultent d’une réaction primaire. Ils sont des vérités culturelles établies, mais pas vérifiées, d’un groupe social. Ces opinions se basent sur des caractéristiques, des traits, des attributs d’une autre culture. Leur fonction est d’alléger la menace que représente l’inconnu. Ils rassurent, car ces catégorisations, rendent le monde prévisible. D’après Asch, psychologue et pionnier de la psychologie-sociale : « Les impressions simplifiées sont un premier pas vers la compréhension de l’environnement et l’établissement de vues claires et signifiantes »[4]. Ils permettent des orientations cognitives individuelles et collectives[5]. Selon le Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles : « Ils demeurent des moyens d’organiser et d’appliquer certaines grilles de lectures doctrinales et des théories du sens commun »[6]. Pour Jacques Philippe Leyens, il s’agit de : « schèmes perceptifs », et de « raccourcis cognitifs »[7]. Walter Lippmann compare ce phénomène à des « pictures in our heads »[8]. Les schémas produits par les stéréotypes s’imposent aux individus. Ils « accaparent son attention et son encodage de la réalité ». D’après Jean-Marie Seca, ils sont négatifs, positifs, mais jamais neutres[9]. Pour les auteurs de l’ouvrage, Stéréotypes et clichés, les stéréotypes et les représentations sont les mêmes choses. La seule différence notable est la condamnation morale (également présente dans les travaux scientifiques) autour de la notion de stéréotype. Pour Amossy et Herschberg-Pierrot, ce n’est que récemment que le stéréotype a cessé d’être regardé seulement sous un angle péjoratif. Il parlera de « bivalence constitutive de la notion de stéréotype »[10]. Même s’ils ne sont pas « affectivement investis »[11], ils ne relèvent pas d’un aspect émotionnel comme pour le préjugé. Les stéréotypes sont faciles à comprendre. D’après Jodelet les stéréotypes ont « une visée pratique »[12]. Pour Leyens, ils sont essentiels et fondamentaux dans la vie sociale : « Les stéréotypes sont le résultat d’un processus qui vise à régler les interactions sociales avec la plus grande efficacité possible »[13]. Ils permettent d’expliquer la réalité, car ils font appel à des codes connus et partagés. Ils rassurent, car ils rendent le monde prévisible Différentes définitions du stéréotype D’après l’étude des travaux d’Avigdor, « Il y a une certaine régularité consensuelle et une cohérence dans la définition de certains traits des différentes nationalités »[14]. Pour Lüsebrink, les stéréotypes proviennent de généralisations de faits réellement observés, alors que ces faits sont singuliers[15]. Pour Leyens ils peuvent aussi résulter d’un manque d’informations[16]. Richard Bourhis et André Gagnon insistent sur leur caractère spéculatif. Pour eux, les stéréotypes agissent sur les conduites comme une « prophétie qui se réalise »[17]. Leur verbalisation « repose, en partie, sur des indices et des pratiques sociales qui tendent à le confirmer partiellement »[18]. Pour Lippman cité dans Stéréotypes et Clichés, ils sont la conséquence de nos capacités cognitives limitées : « Sans elles, l’individu resterait plongé dans le flux et le reflux de la sensation pure ; il lui serait impossible de comprendre le réel, de le catégoriser ou d’agir sur lui »[19]. D’après Lüsebrink qui les perçoit comme un processus cognitif, ils sont très difficiles à changer[20]. D’après Edward et Potter qui les perçoivent davantage comme une pratique discursive, ils ne sont pas aussi rigides, ils s’adaptent aux contextes sociaux « en vue de certains objectifs, et émergent dans l’utilisation que nous faisons du langage »[21]. D’après Lüsebrink, si l’on a conscience qu’il s’agit de stéréotypes, ils ne sont pas dangereux. Néanmoins, ils favorisent la création de terrains fertiles pour une représentation sociale beaucoup plus intentionnelle et aux conséquences sociales redoutables : le préjugé. Si l’on a conscience qu’il s’agit de stéréotypes, ils ne sont pas dangereux. [1] H. Tajfel, « La catégorisation sociale », art cit, p. 272. [2] G. Ferréol et G. Jucquois, Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles, op. cit., p. 307. [3] Ruth Amossy et Anne Herschberg-Pierrot, Stéréotypes et clichés : langue, discours, société, Paris, Armand Colin, 2014, p. 49. [4] Solomon Asch, Social psychology, Prentice-Hall., Englewood Cliffs (New Jersey), 1952, p. 235. [5] H.-J. Lüsebrink, Interkulturelle Kommunikation, op. cit., p. 100. [6] G. Ferréol et G. Jucquois, Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles, op. cit., p. 331. [7] Jacques-Philippe Leyens, Georges Schadron et Vincent Yzerbyt,
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