La spécificité entre interculturalité et handicap
Handicap et Interculturalité : Décrypter les Enjeux d’une Double Altérité
Dans le travail médico-social, chaque rencontre avec une personne en situation de handicap ou issue d’un contexte migratoire est une fenêtre ouverte sur des réalités complexes. Ces situations, loin d’être anecdotiques, mettent en lumière une double altérité, à la croisée de la différence motrice, cognitive, psychique, mentale, sensorielle et des horizons culturels variés. Comprendre ces enjeux permet à tout·e professionnel·le d’agir avec pertinence et respect.
Double Altérité : quand handicap et migration se croisent
Les personnes en situation de handicap et les individus migrants partagent souvent un parcours marqué par la marginalisation. Cette double altérité n’est pas qu’une addition de différences : elle tisse des réalités sociales spécifiques, souvent méconnues ou ignorées par les cadres institutionnels.
Historiquement, ces groupes ont été perçus comme des sujets passifs, objets de politiques uniformisées. Mais leur trajectoire révèle au contraire une capacité d’agir, de résister et de s’adapter. Interroger cette vision permet de remettre en question les préjugés qui sous-tendent nos pratiques et d’ouvrir la voie à des approches davantage orientées par les besoins et les aspirations des personnes concernées.
Cultures et Handicap : diversité des représentations
Même si les différences que nous avons nommées (et qu’en France nous appelons « handicap ») se trouvent partout et en tout temps, sa compréhension n’est pas une réalité universelle figée. Elle est interprétée à travers des prismes culturels variés. Dans certaines traditions, ces différences sont perçues comme une malédiction ou une épreuve spirituelle, tandis que dans d’autres, elles deviennent un vecteur de résilience collective. Ces systèmes de représentation influencent les attentes et les comportements des personnes et des groupes. Evidemment ces représentations donnent forme aux interactions et ainsi aux statuts sociaux qui est donnée aux personnes porteuses de ces différences. La culture donne un sens à ces différences ce qui va conditionner la réponse de la société face à ces corps qui sortent de la « normalité ».
Les professionnel·les du médico-social se heurtent souvent à des tensions entre leurs cadres d’intervention normés et les perceptions des individus accompagnés. Apprendre à décoder ces différences ne relève pas d’un exotisme superficiel, mais d’une compétence professionnelle essentielle. Cela permet de répondre de manière adaptée tout en respectant les singularités culturelles.
Historiquement, ces groupes ont été perçus comme des sujets passifs, objets de politiques uniformisées. Mais leur trajectoire révèle au contraire une capacité d’agir, de résister et de s’adapter. Interroger cette vision permet de remettre en question les préjugés qui sous-tendent nos pratiques et d’ouvrir la voie à des approches davantage orientées par les besoins et les aspirations des personnes concernées.
Ces différences sont parfois perçues comme une malédiction ou une épreuve spirituelle, d’autres fois elles deviennent un vecteur de résilience collective
Les parents portent un regard culturel sur le handicap
Les parents, face au handicap de leur enfant, naviguent entre leurs propres référentiels culturels et les règles proposées par les institutions. Dans certaines cultures, une déficience peut être entourée de silence ou d’évitement, tandis que dans d’autres, elle est revendiquée comme une identité forte.
Ces perceptions influencent directement leurs attentes envers les travailleurs et travailleuses du social : choix d’accompagnements, priorités éducatives, ou encore réactions face aux propositions d’interventions. Ignorer ces dynamiques culturelles, c’est risquer de créer des incompréhensions, voire un désengagement total de la part des familles.
Construire des pratiques traversées par l’Interculturalité
Intégrer une réflexion interculturelle dans le médico-social, c’est aller au-delà des méthodes standardisées. Cela implique de reconnaître que chaque individu est façonné par un tissu de représentations, de normes et de pratiques sociales. Il ne s’agit pas de diluer les différences dans une approche unique, mais de valoriser cette diversité comme une ressource.
Pour cela, il est important de questionner les cadres qui structurent nos interventions : quelle culture institutionnelle portons-nous inconsciemment ? Quels stéréotypes influencent nos décisions ? Et surtout, comment pouvons-nous accompagner chaque personne dans sa singularité, tout en respectant ses ancrages culturels ?
Vers une Éthique de la Rencontre
Le médico-social est un espace de rencontre, où chaque interaction peut devenir un lieu d’apprentissage mutuel. Développer une sensibilité interculturelle face au handicap, c’est accepter d’être bousculé, d’interroger ses propres certitudes, et de construire des pratiques plus inclusives.
Dans un monde où les mobilités humaines et les diversités ne cessent de croître, cette démarche n’est pas un luxe mais une exigence. À la croisée du respect et de l’écoute, elle ouvre des perspectives nouvelles, à la fois pour les professionnels et pour les personnes accompagnées
Ignorer ces dynamiques culturelles, c’est risquer de créer des incompréhensions, voire un désengagement total de la part des familles.
Par Manon BINET, le 06/01/2025